Plus de 1 % de notre population est traitée aujourd’hui par un anticoagulant oral afin de prévenir la survenue de thromboses veineuses, d’embolies pulmonaires ou surtout d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) en cas d’arythmie cardiaque. Longtemps, les patients ont été anticoagulés par des molécules appelées « antivitamine K » (ou AVK). En effet, les AVK inhibent l’action de la vitamine K nécessaire à la synthèse par le foie de plusieurs protéines nécessaires à une coagulation normale et leur prescription durant plusieurs décennies a permis à de très nombreux patients de ne pas développer d’AVC invalidants ou mortels, provoqués par une arythmie cardiaque très fréquente après l’âge de 70 ans.

 

Toutefois, ces AVK nécessitent une surveillance biologique régulière et donc des prises de sang répétées et toujours contraignantes. Ils induisent aussi un risque hémorragique plus élevé chez les sujets âgés, même si cette complication peut être neutralisée efficacement par des médicaments spécifiques, la vitamine K et les concentrés de complexe prothrombinique, obtenus à partir de plasmas normaux. Toutes ces raisons expliquent le développement et la mise à disposition depuis 2008 de nouveaux anticoagulants oraux dont l’action est directe, d’où leur nom abrégé AOD pour Anticoagulant Oral Direct. L’action anticoagulante des AOD est immédiate et ne nécessite aucune surveillance biologique. Ils inhibent deux enzymes de la coagulation (cf. figure), la thrombine (FIIa) pour le dabigatran commercialisé sous le nom de PRADAXA et le facteur Xa pour le rivaroxaban (XARELTO®) et l’apixaban (ELIQUIS®).

 

Depuis 2016, il existe un antidote pour traiter les accidents hémorragiques pouvant survenir sous PRADAXA® : Il s’agit de l’idarucizumab (nom commercial : PRAXBIND®), fragment d’anticorps monoclonal qui se fixe sur le médicament en inhibant puissamment son activité anticoagulante. Concernant les AOD anti-Xa (rivaroxaban et apixaban), qui sont aujourd’hui prescrits chez plusieurs centaines de milliers de patients en France, seuls les concentrés de complexe prothrombinique étaient utilisables avec une efficacité partielle pour neutraliser leur activité anticoagulante en cas de saignement ou de chirurgie urgente. Néanmoins, un antidote original, l’andexanet alpha sera bientôt disponible en France. Il s’agit d’une protéine leurre puisqu’il s’agit d’un FXa transformé et inactif lors de la coagulation. Ainsi, l’injection intraveineuse d’andexanet alpha chez un malade traité par un AOD anti-Xa permet rapidement le contrôle d’un saignement.

Toutefois, l’efficacité de cet antidote semble différente vis-à-vis du XARELTO® et de l’ELIQUIS® et des études cliniques sont encore nécessaires pour confirmer l’efficacité et pour définir les doses optimales et les durées d’administration de l’andexanet alpha chez les patients qui saignent ou qui nécessitent une procédure invasive en urgence.

Enfin, d’autres antidotes potentiels des AOD sont actuellement en cours d’évaluation, ce qui fait espérer pouvoir utiliser à l’avenir des médicaments qui seront à la fois très efficaces et dépourvus de risque thromboembolique.

La coagulation est déclenchée par une lésion vasculaire qui met en contact une protéine, le facteur tissulaire, avec des enzymes circulantes dont l’activation conduit à la formation du facteur X activé (ou Xa) et de la thrombine (ou FIIa), cette dernière permettant la formation d’un caillot de fibrine qui avec les plaquettes sanguines permet l’arrêt du saignement. Le Xa et le FIIa sont les cibles spécifiques des AOD (rivaroxaban, apixaban et dabigatran) qui inhibent leur action hémostatique.

Yves Gruel et Jean-François Schved