En onco-hématologie, le parcours de soins se compose de plusieurs segments :
- la phase initiale (des premiers symptômes à la consultation d’annonce,
la phase active de traitement avec le plus souvent l’administration d’une chimiothérapie par voie veineuse ou par voie orale, - pour les patients répondeurs, la phase dite de l’après-cancer (AC), la maladie étant contrôlée voire guérie. Dans les lymphomes, l’AC concerne de plus en plus de patients (plus de 35000), en rapport avec un dépistage plus précoce, une meilleure stratification des indications, une gestion plus précise des traitements ainsi que les progrès enregistrés dans d’autres domaines de la médecine (maladie vasculaire, diabète).
- La phase initiale est dominée pour le patient par le stress psychologique et pour le soignant la complexité de coordonner un nombre croissant d’acteurs (soignants, analyses moléculaires, plateforme d’imagerie, autres). La phase active est centrée par les enjeux d’efficacité et de sécurité. La problématique de l’après-cancer est différente : il s’agit de faciliter le retour à la norme par une approche holistique intégrant trois composantes :
1 : la composante physique : détection de la rechute (de moins en moins fréquente mais souvent fantasmée), traitement des séquelles et complications retardées (séquelles musculo-squelettiques, infections, neuropathies, prise de poids, troubles de la sexualité), et gestion des maladies associées (l’oncologue est souvent sollicité par le patient comme premier recours).
2 : la composante psychologique : par ordre croissant de gravité : trouble de l’humeur et du sommeil (surconsommation de psychotropes), fatigue chronique, anxiété pathologique alimentée par la peur de la rechute, dépression, syndrome de stress post-traumatique. Ces complications posent surtout le problème de leur détection tant les tests psychométriques sont fastidieux.
3 : la composante sociale dominée par le retour au travail avec des résultats variables mais où globalement 20% des patients n’ont pas pu ou voulu reprendre leur activité antérieure à 12 mois. La reprise du travail contribue pourtant à la resocialisation du patient et à la qualité de vie (QdV). L’échec peut être lié à une mauvaise évaluation de la situation et du pronostic à l’origine de décisions infondées par le patient, l’entourage, voire le médecin du travail.
Ces diverses complications contribuent à la dégradation de la QdV, au « fardeau » des aidants, à une surconsommation de soins avec son corollaire économique. Si la QdV s’améliore avec le temps pour 80% des patients, il existe une fraction restante pour laquelle la QdV reste fortement et durablement détériorée.
Ces observations soulèvent la question des modèles de suivi. Le modèle du « tout généraliste » (délégation complète de l’AC au médecin généraliste/MG) comme le modèle du « tout oncologue » (consultation espacée auprès de l’oncologue référant) ont montré leurs limites, en particulier sous l’angle psycho-social. Il existe des alternatives notamment celle basée sur l’implication d’une infirmière dite « de navigation » coordonnant les fonctions du MG, de l’oncologue, des travailleurs sociaux (psychologues, assistante sociale, spécialiste de médecine professionnelle) et le cas échéant des spécialistes d’organe (1).
Pr Guy Laurent, service d’hématologie, Institut Universitaire du cancer de Toulouse-Oncopole, INSERM U1027, Toulouse
1 : Compaci G, Rueter M, Lamy S, Oberic L, Recher C, Lapeyre-Mestre M, Laurent G, Despas F. Ambulatory Medical Assistance–After Cancer (AMA-AC): A model for an early trajectory survivorship survey of lymphoma patients treated with anthracycline-based chemotherapy. BMC Cancer. 2015 Oct 24;15:781.